Le réglage du Czerny-Turner n’est pas chose aisée, et on touche ici à la plus importante difficulté pour qui veut se lancer dans l’aventure UVEX. Le problème vient de l’exploitation hors axe des miroirs, du grand nombre de degrés de liberté et de la non-indépendance des effets. Illustrons ce dernier point : un défaut d’angle sur le miroir M1 ou sur le miroir M2 peuvent avoir des effets similaires, et dans ce cas, comment trouver le responsable pour agir dessus ? Autre exemple, une erreur d’angle sur le réseau peut être compensée par un biais d’orientation du miroir M2, ce n’est pas pour autant que l’optique est bien réglée, car des aberrations peuvent alors apparaître. C’est toute la difficulté.
Il ne faut pas se décourager, car avec de la patience, on finit par toujours arriver au bout de ce réglage et finalement, on est bien récompensé. Voici une procédure de réglage possible…
La règle d’or est d’éviter autant que possible d’effectuer les réglages sur le télescope disposé sur sa monture et de nuit. Vous allez vous épuiser pour un résultat improbable ! La bonne procédure consiste à faire tous les réglages sur une table en utilisant votre télescope d’observation si celui-ci peut être retiré de sa monture, ou en utilisant un tube optique auxiliaire, une petite lunette par exemple qui traîne peut-être chez vous. Ce montage sur table est l’outil de travail de base. Sur la vue à droite on utilise une lunette compacte de 65 mm f/6,5 comme moyen de test, alors que le spectrographe va ensuite être exploité sur un Richey-Chrétien de 250 mm f/8. Cette différence de gabarit ne pose pas de problème. Pour un réglage optimal, il est cependant préférable que le télescope de test soit aussi ouvert ou plus ouvert que le télescope d’observation. Un autre élément essentiel au réglage est la source de lumière. De jour vous pouvez utiliser la lumière du fond ciel, ou ambiante (un mur blanc…) car il donne gratuitement un beau spectre de raies de Fraunhofer d’une étoile de type G2V. Une lampe fluo-compact est aussi un très bon compagnon grâce à la présence de raies du mercure intenses dans l’ultraviolet (voir un atlas des raies plus loin). Pour le rouge, il faut utiliser une veilleuse néon. Dans l’image ci-contre, on a disposé devant l’entrée du télescope (sa pupille) une veilleuse rouge pour chambre d’enfant (ne pas confondre avec les sources LED, qui elles n’émettent aucune raie) ! Si vous en trouvez dans un magasin, achetez !
1. Pré-réglage
La première opération consiste à aligner les éléments optiques (M1, M2, le réseau) à l’oeil lors du montage par rapport aux repères gravés dans le plancher du boitier UV01. De cette manière, vous allez obtenir un premier spectre sur votre capteur sans soucis, ce qui est un bon début. Mais il ne sera sûrement pas de bonne qualité. A l’oeil, la précision d’orientation des éléments est de 1°, alors qu’au final, les erreurs d’angle ne doivent pas dépasser 0,1 à 0,2°.
Il est recommandé d’utiliser le réseau de 300 traits/mm pour débuter les réglages (la marque dans le boitier est prévue pour ce réseau eta pour que le centre du spectre visible tombe au milieu du détecteur lorsque le spectrographe est bien réglé, plus précisément la longueur d’onde de 510 nm). Vous pouvez aussi régler avec un autre réseau, par exemple le 1200 traits/mm, mais la marque ne sera alors plus valable. Par exemple, ci-contre l’orientation caractéristique du réseau 1200 traits/mm.
Noter que normalement le changement de réseau ne nécessite un nouveau réglage de l’ensemble du spectrographe (miroirs M1 et M2). L’opération est donc relativement simple : retirer le support UV12, changer le réseau, remonter le réseau, puis enfin, chercher l’orientation du réseau qui fait arriver sur le détecteur la partie du spectre que l’on souhaite étudier. Vous pouvez aussi décider le fabriquer un support pour chaque réseau à diffraction à votre disposition ; c’est encore plus rapide.
2. Focalisation de la caméra d’acquisition
Le premier spectre enregistré par la caméra électronique sera surement bien flou à cause d’un défaut de focalisation Avancer et reculer alors la caméra dans son coulant pour rendre le spectre à peu près net (ne pas chercher à trop affiner, ce réglage sera surement remis en cause lorsque vous toucherez à d’autres éléments du montage). Idéalement, la caméra doit pouvoir glisser en forçant légèrement. Si c’est trop dur, passer l’intérieur du coulant à la toile émeri. Si c’est trop large, fixer de ruban adhésif métal sur le pourtour du corps de la caméra (du ruban d’étanchéité aluminium, voir dans les magasins de bricolage). Avec l’habitude, vous allez aboutir à une sensibilité de réglage de l’ordre de 0,1 mm rien qu’avec le touché des doigts. Noter qu’une vis de blocage (avec écrou) est prévue dans les pièces UV07 et UV08. Serrez cette vis modérément.
3. Orientation de l’image du spectre
On doit ensuite s’attaquer à l’orientation de l’axe de dispersion et à l’orientation des raies spectres suivant l’axe spatial relativement aux pixels du détecteur Par rapport aux images ci-après, l’idée est de passer de la photographie du haut à la photographie du bas (spectres UVEX réalisés sur table à la lumière du jour) :
Pour y parvenir, il faut d’abord tourner la caméra dans son logement de manière à amener la l’axe de dispersion parallèle aux lignes du capteur (dans l’exemple, la présence d’une poussière dans l’ouverture de la fente provoque le trait horizontal accidentel, le « transversalium », mais qui aide bien à orienter la caméra !). Il faut ensuite ajuster l’orientation de la fente (rotation de la pièce UV04 dans le pièce UV03).
Noter que de par son principe optique, UVEX produit un spectre bien net que sur une hauteur de fente relativement restreinte (suivant la direction spatiale). UVEX est surtout fait pour observer des objets ponctuels, comme des étoiles (mais vous pouvez aussi réaliser le spectre de petites nébuleuses, de noyaux de galaxies…). En dehors de la zone de netteté, une forme d’astigmatisme se produit, qui a pour effet d’élargir les raies spectrales, et donc de faire perdre en résolution spectrale. Examinez l’image spectrale ci-après :
… il est question du spectre d’émission d’une lampe fluo-compact dans le bleu. Le spectrographe est ici correctement réglé, mais on s’aperçoit que les raies du mercure deviennent floues aux deux extrémités des images monochromatiques de la fente. C’est une forme d’astigmatisme. Du coup, cette image n’est vraiment exploitable que dans sa partie centrale (entre les deux traits jaunes). Noter que cette zone de netteté s’élargit au fur à mesure que l’on travaille avec un télescope fermé : plus grande avec un télescope ouvert à F/10 qu’avec un télescope ouvert à F/5. Un autre point important à souligner est le centrage de la zone de netteté, c’est-à-dire dans cette figure, la position verticale de la ligne rouge. Essentiellement, suivant la qualité d’usinage du support UV12 du réseau, ou suivant que ce dernier est monté incliné dans son support, la zone de netteté peut être déportée vers le haut ou vers le bas (ou même carrément sortir de la largeur physique de la fente dans les pires situations !). En cas de problème, retirer le support UV12 (cette opération est simple, il suffit de dévisser les deux vis de la manette UV13), essayer de modifier l’inclinaison du réseau (ajouter éventuellement une cale de papier pour fixer le basculement), remonter le support dans le boitier, et voyez si la situation s’améliore (un centrage parfait de la zone de netteté n’est pas strictement nécessaire).
4. Orientation du miroir M1
On procède maintenant au réglage du miroir M1. On entre dans le dur et c’est ici que le réglage sur table, bien au calme et bien au chaud, prend tout son sens. Une première approche du réglage consiste à orienter le miroir M1 pour que le faisceau optique soit bien centré à la surface des composants qui vont suivre (le réseau, M2, le détecteur). Pour cela, il faut utiliser une lampe à raies d’émission de dimension relèvement restreinte, que l’on amène successivement sur un bord, puis l’autre, de la pupille du télescope, tout en observant le spectre, comme dans les illustrations ci-dessous :
Remarquez que le mouvement se fait suivant un plan horizontal, ce qui est techniquement le plus rationnel. Mais pour que la procédure fonctionne, il faut aussi que le plan de dispersion spectral soit lui-même horizontal, ce qui implique d’orienter le spectrographe comme indiqué ci-contre (à 180° près)
Il faut faire un peu d’optique pour comprendre le but de cette manoeuvre. Les schémas ci-après sont des tracés de rayons dans UVEX, appartenant à un faisceau optique ouvert à F/6 alors que la longueur du détecteur employé est supposé être de 12 mm environ (le réseau est un 300 traits/mm). Voici tout d’abord la situation lorsque le spectrographe est bien réglé :
L’ensemble de la pupille du télescope est éclairé. On ne note pas de vignetage optique (perte de rayons par les bords optiques des composants). Les rayons passent cependant très proches des limites mécaniques (noter la partie rouge du spectre qui frôle le bord du réseau en arrivant sur le détecteur). En pratique, il faut agiter la lampe devant la pupille du télescope durant le temps de pose pour obtenir un éclairement à peu près uniforme de celle-ci. | L’ensemble de la pupille du télescope est éclairé. On ne note pas de vignetage optique (perte de rayons par les bords optiques des composants). Les rayons passent cependant très proches des limites mécaniques (noter la partie rouge du spectre qui frôle le bord du réseau en arrivant sur le détecteur). En pratique, il faut agiter la lampe devant la pupille du télescope durant le temps de pose pour obtenir un éclairement à peu près uniforme de celle-ci. | A présent les rayons arrivent du seul bord droit de la pupille du télescope (ou de la lunette), par le simple déplacement de la source de lumière. |
Voyons maintenant ce qui se produit lorsqu’une erreur d’angle affecte le miroir M1. Dans la simulation ci-après ce miroir a été accidentellement tourné de 1° (seulement), comme l’indique la flèche :
A présent la partie rouge la plus extrême du spectre est vignetée par le miroir M2 et aussi coupée par le bord mécanique du réseau. Pour l’observateur, cela correspond à une atténuation en intensité du côté rouge du spectre enregistré. On observe aussi un glissement du domaine de longueur d’onde (les rayons « verts » n’arrivent plus au centre du détecteur). | En éclairant le bords gauche de la pupille. Le décalage du spectre est toujours constaté. | La situation est plus intéressante en éclairant le bord droit de la pupille. Cette fois l’effet du vignetage est plus marqué encore pour l’observateur. |
Le réflexe naturel dans cette situation consiste à recentrer le spectre sur le détecteur en tournant la manette du support de réseau :
De fait, en tournant le réseau comme l’indique la flèche, la partie verte du spectre se retrouve au centre du détecteur. Tout semble aller bien… | En éclairant le bord gauche de la pupille, là encore, on observe un spectre bien net et à la bonne place. | La situation se gâte lorsqu’on éclaire le bord droit de la pupille. Cette fois, le fin pinceau de rayons généré part à coté du miroir M2, et dans l’image, la partie rouge du spectre s’éteint brutalement. Ce symptôme est le signe d’un mauvais alignement, que l’on a cherché à compenser en tournant le réseau, alors que le problème est le miroir M1. |
Votre première tâche est donc d’équilibrer le vignetage sur les extrémités rouge et bleu du spectre en ajustant l’orientation de M1 et en utilisant le principe de l’éclairage par « sous-pupille ». Cette manoeuvre est valable si les autres composants sont à leur position nominale, ce qui n’est pas du tout garanti, ce qui signifie qu’il faut alors procéder par itération, un processus qui demande de la patience et de la méthode. Nous commençons ici par le miroir M1 car c’est plus sensible aux défauts.
Après ce réglage initial au premier ordre de M1, il faut travailler plus finement en observant la réponse impulsionnelle des raies : la tache image lorsqu’on éclaire l’entrée du spectrographe avec une source ponctuelle monochromatique (comme une étoile qui ne produirait de la lumière que dans une longueur d’onde). Une manière efficace de produire une source ponctuelle consiste à opter (éventuellement provisoirement) pour fente claire Shelyak OP0073 ou OP0092 que l’on monte sur le support UV06 (attention, la face gravée doit être coté spectrographe, pas coté télescope, ceci à cause de la présence d’un chanfrein). Le système de fente OP0073 est muni d’un trou isolé de 20 microns de diamètre, le système OP0092 propose 3 trous alignés de 10, 15 et 20 microns :
Voici l’aspect du spectre de ce trou lorsqu’on utilise une lampe fluo-compact : chacun des points correspond à une image monochromatique du trou pour diverses longueur d’onde (partie UV du spectre). Le télescope couplé est ouvert à F/5 :
Le but est d’obtenir une image du point aussi nette et symétrique que possible (cas A). Un mauvais réglages de M1 génère préférentiellement de la coma (cas B dans la figure ci-dessus). Il faut alors retoucher M1 pour arriver au cas A (cela se joue à quelques dixièmes de degrés près).
Le cas C correspond à un défaut de réglage à la fois du miroir M1 et du miroir M2 (une erreur sur le miroir tend à élargir la trace du spectre). Dans le cas D, la caméra est en plus mal focalisée.
Lorsque vous ne disposez pas d’un trou source, il faut se résigner à examiner les raies spectrales, mais avec un diagnostic moins précis…
Dans l’exemple ci-contre, le spectre 2D du haut correspond à un bon réglage. Dans le spectre du bas, le groupe de 3 raies à gauche est bien net, mais les raies à droites sont floues, avec une asymétrie caractéristique de la coma. Retoucher M1 en priorité pour traiter ce type de problème, tout en vérifiant que le test « vignetage » est bien passé.
5. Orientation du miroir M2
Si lors de l’observation du point source ou d’une étoile vous obtenez l’aspect du spectre ci-après (bien noter la variation de la largeur du spectre en fonction de la longueur d’onde) :
il faut pivoter le miroir M2 dans le sens adéquat pour aboutir au résultat suivant (un spectre fin sur toute sa longueur) :
6. Réglage de la position longitudinale de le fente
– si lors de l’observation du point source vous n’arrivez pas à obtenir à la fois des raies spectrales fines et un spectre étroit sur l’ensemble de sa longueur d’onde ;
– si lors de l’observation d’une étoile au télescope, l’image de la fente est bien nette dans la caméra de guidage, ainsi que l’image de l’étoile (elle apparait ponctuelle), mais que la trace du spectre est désespérément uniformément et anormalement large sur toute sa longueur (voir l’exemple ci-après sur un extrait de spectre de l’étoile Arcturus fait avec UVEX équipé d’un réseau de 1200 traits/mm au foyer d’un télescope ouvert à F/10) :
… il est probable que les plans de netteté de l’image de l’étoile et de focalisation de la lentille cylindrique ne sont pas confondus. Cela signifie que vous pouvez observer de fins détails spectraux sans pour autant obtenir un spectre bien étroit, ou l’inverse, même en essayant de faire le point au mieux en déplaçant longitudinalement la caméra. C’est le symptôme que la fente portée par la pièce coulissante UV04 n’est pas à la bonne distance du miroir M1 (non respect de la côte de 100 mm entre la fente et M1 (voir à la section « formule optique »). Dans la partie consacrée au montage, j’ai indiqué qu’il fallait respecter un côte de 1 mm environ entre les plans de contact de l’épaulement des pièces UV03 et UV04.
Dans l’exemple ci-contre, le support de fente est déplacé de manière à éloigner la fente du miroir M1. Ce faisant, on modifie le point de focalisation de l’ensemble du spectrographe. Il faut rattraper en déplaçant la caméra comme l’indique la flèche. Ce travail est itératif et passablement fastidieux car il faudra aussi à la fin refaire le point de la caméra de guidage si celle-ci est déjà en place.
Voici le résultat sur l’image du spectre de Arcturus alors que l’on converge vers le bon résultat : raies fines + spectre étroit.
7. Contrôle final
Le spectrographe est correctement réglé lorsqu’en modifiant le calage en longueur d’onde du spectre, les raies spectrales demeurent nettes, comme ci-contre.
Je juge de paix demeure malgré tout au final l’observation sur le ciel d’une étoile. Tout doit être net simultanément : l’image de la fente, l’image de l’étoile sur la fente et bien sur, le spectre de l’étoile.
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